La justice prend du temps, mais elle arrive
Par Roberto Morejón
Près de 50 ans après l'assassinat de Víctor Jara, six hauts gradés de l'armée ont été condamnés à 25 ans de prison et un autre à 8 ans pour avoir participé à la torture et aux crimes de l'auteur-compositeur-interprète et avocat chilien Littré Quiroga.
Víctor Jara était un musicien, professeur, écrivain et directeur de théâtre considéré comme une référence internationale pour ses chansons sociales, ce qui a suffi à la dictature chilienne d'Augusto Pinochet pour ordonner son extermination.
L'auteur de Te recuerdo Amanda était considéré comme un ennemi car, en plus d'être un sympathisant du gouvernement socialiste de Salvador Allende, il était membre du parti communiste chilien.
Il a été torturé et fusillé, tout comme Littré Quiroga, directeur du Service national des prisons sous le gouvernement Allende.
Leurs corps ont été jetés dans un terrain vague près d'une ligne de chemin de fer et il n'existe aucune trace de poursuites judiciaires à leur encontre.
L'auteur-compositeur-interprète et Quiroga faisaient partie des plus de cinq mille partisans du gouvernement de l'Unité populaire renversé par les militaires en 1973, emprisonnés et emmenés au stade de Santiago, aujourd'hui appelé Víctor Jara en mémoire du folkloriste.
Là, ils ont été interrogés sans aucune procédure judiciaire ou administrative.
Selon les informations recueillies lors du procès des sept officiers chiliens condamnés, Víctor Jara avait 56 fractures osseuses et 44 balles dans le corps, tandis que Quiroga avait 47 fractures et 23 balles.
Face à ces détails abominables, personne ne se préoccupe du sort des sept militaires accusés, tous retraités, y compris Hernán Chacón, un ancien brigadier de l'armée qui s'est suicidé avant d'être conduit dans une prison de Santiago.
Personne ne se souviendra des tueurs à gages de la dictature que pour leurs crimes, mais Víctor Jara, dont ils ont tenté de couper l'exemple, la projection sociale et culturelle, continue de faire partie de la mémoire du Chili et de l'Amérique latine.
La justice a tardé à être rendue dans les cas de Jara et de Quiroga, un problème très répandu au Chili en matière de violations des droits de l'homme, mais elle a finalement été appliquée.
Et ce, dans une société où les nostalgiques de Pinochet et ceux qui refusent d'admettre qu'il était à la tête d'une dictature fasciste ne manquent pas.
